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REBT : Réduire la tyrannie et la guerre grâce au sentiment communautaire et à l'intérêt social - Résumé

L’article de Danial ASADOLAHI expose comment la thérapie comportementale émotive rationnelle (REBT) pourrait permettre de réduire les comportements violents et oppressifs dans un monde troublé. Pour cela, l’auteur reprend les concepts de la REBT et établit un lien théorique et potentiellement pratique entre les concepts et les méthodes classiques et innovants de la REBT et certains concepts de la théorie et de la psychologie adlériennes.


La thérapie comportementale émotive rationnelle (REBT) est une forme de psychothérapie cognitivo-comportementale développée par Albert Ellis en 1955. L'un des principes théoriques de la REBT est que les individus peuvent avoir des croyances irrationnelles, par exemple des croyances non empiriques et illogiques, qui contribuent à divers troubles émotionnels, notamment la colère, la rage, le mépris et divers troubles comportementaux, notamment l'agressivité et à la violence qui peuvent logiquement être liées à un comportement tyrannique et belliqueux.
On peut imaginer que certaines personnes aient des croyances qui impliquent des attitudes et des perceptions injustes et inéquitables à l'égard des autres. Par exemple : « Les personnes issues de cette culture ne devraient pas avoir les mêmes droits que nous » et « Nous avons le droit d'attaquer ce pays si cela permet d'accroître la richesse et le pouvoir du nôtre ». Ces croyances irrationnelles représentent des croyances oppressives envers les autres que les individus peuvent développer par le biais d'une combinaison d'idéologies oppressives, telles que le racisme, le sexisme et l'impérialisme au sein de l'environnement social, et de processus d'apprentissage social.
Deux exemples importants de méthodes thérapeutiques ou éducatives issues de la REBT d'Ellis peuvent être utilisés pour réduire le danger des croyances irrationnelles de type oppressif envers autrui : les approches de contestation logique et empirique (Asadolahi, 2020 ; MacLaren et al., 2016). La contestation logique remettrait en question ces croyances en invitant les individus à examiner la cohérence interne de leurs idées en leur posant, par exemple, les questions suivantes : « En quoi le fait que vous n'aimiez pas certaines choses chez ces personnes signifie-t-il qu'elles ont moins de valeur en tant qu'êtres humains ? », « Où est la logique dans la croyance selon laquelle les forts ont le droit de dominer les faibles ? » et « Où est la logique dans la croyance selon laquelle un peuple qui possède actuellement son propre pays indépendant devrait se voir refuser tout droit à l'autodétermination ? ».
La contestation empirique pourrait également être mise en oeuvre. L'objectif est de cibler les croyances oppressives d'un individu en s'interrogeant sur les preuves qui les sous-tendent, au niveau scientifique et des documents juridiques et éthiques qui existent comme la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations unies. Cela donnerait des questions telles que « Où sont les preuves que le fait d'exercer un grand pouvoir sur les autres est le seul moyen d'avoir une vie satisfaisante ? », « Où sont les preuves que la violence envers les autres est un moyen efficace de lutter contre l'injustice ? » et « Avons-nous des preuves que les liens historiques d'un peuple avec un autre peuple ou un autre pays lui refusent tout droit de déterminer son propre destin ? ».
L’objectif de la REBT est de construire des croyances alternatives. Pour cela, la REBT dispose d’un concept majeur qui est l'acceptation inconditionnelle des autres, qui stipule qu’il est possible pour l’être humain d'accepter les autres sans condition et de considérer leur valeur comme immuable, tout en condamnant et en essayant rationnellement de remédier aux actes et comportements d'autrui qui sont répréhensibles et problématiques. Le développement de l’acceptation inconditionnelle des autres rejoint le concept de Gemeinschaßsgefühl adlérien avec la promotion du sentiment communautaire et de l'intérêt social.
Voici trois exemples de croyances anti-oppressives fondées sur ces principes logiques, empiriques, incluant l’acceptation inconditionnelle des autres : « Je n'aimerais pas que ma vie et mon comportement soient dominés par quelqu'un d'autre, et il serait donc illogique que je domine les autres à mon tour », « Les recherches scientifiques indiquent clairement que tous les êtres humains appartiennent à la même espèce biologique, et que l'oppression et la violence racistes n'ont donc aucun fondement rationnel », et « Tous les êtres humains ont les mêmes droits fondamentaux et méritent tous un traitement équitable et juste ». Et si on combine la pensée rationnelle et les droits humains universels, une croyance alternative possible pourrait être : « Les personnes qui vivent à côté de mon pays sont des êtres humains qui habitent actuellement leur propre pays, ce qui signifie logiquement qu'elles ont le droit humain fondamental de déterminer leur propre destin national et de prendre leurs propres décisions nationales » (Assemblée générale des Nations unies, 1966, art. 25[b]).
On parle alors de croyances alternatives saines car elles sont susceptibles d'être utiles à la fois à soi-même et à la société.
Ensuite, l’article présente une analyse psychologique de la personnalité de dirigeants tyranniques qui a révélé la présence de traits de personnalité tels que le narcissisme malveillant et la psychopathie (Haycock, 2019). On retrouvera chez les personnes ayant des tendances narcissiques des croyances liées au sentiment d'avoir des droits se manifestant par la croyance « je devrais être traité de manière spéciale » ainsi que des croyances liées à la domination comme « je devrais être au sommet ». Les personnes ayant ces croyances peuvent adopter des comportements socialement et personnellement problématiques en se mettant en avant et en manipulant les autres pour obtenir du pouvoir (Beck et al., 2015). Pour les personnes ayant des tendances antisociales ou psychopathiques, on peut trouver des croyances très égoïstes et insensibles du type « je dois obtenir ce que je veux et si d'autres en souffrent, je n'ai pas à m'en soucier ». Les comportements qui en découlent peuvent inclure la tromperie, l'opportunisme et la prédation (Beck et al., 2015). Ainsi, ces systèmes de croyances problématiques qui peuvent être liés à des traits de personnalité tels que le narcissisme et la psychopathie, sont souvent à l’origine des actes et des ordres des dirigeants tyranniques ou bellicistes.
L’auteur introduit alors le concept de satisfaction de soi. La satisfaction de soi désigne un état mental caractérisé par des émotions et des pensées positives (principalement heureuses et satisfaites), état mental qui est le produit d'une pensée fondée sur la satisfaction de soi (Asadolahi, 2021). Cette pensée fondée sur la satisfaction de soi est une manière de penser caractérisée par la croyance générale selon laquelle « je n'ai pas besoin de certaines choses qui me manquent actuellement pour être heureux et satisfait dans la vie » (Asadolahi, 2021). La satisfaction de soi est similaire au concept d'acceptation inconditionnelle de soi de la REBT, qui encourage les gens à s'accepter et à se respecter malgré leur faille. De même, la satisfaction de soi est le fait de se satisfaire en l'absence de certains traits ou réalisations souhaités. L'exemple suivant illustre une forme possible de pensée de satisfaction de soi qui, si elle est pratiquée et mise en oeuvre fréquemment afin d'être intégrée à la personnalité d'un individu, peut affaiblir les tendances narcissiques et psychopathiques : « Je n'ai pas besoin d'exercer un contrôle dominant ou de posséder un grand pouvoir pour me sentir heureux et trouver satisfaction dans ma vie. ». Ces croyances saines permettraient un meilleur fonctionnement social et une vie plus heureuse.


C’est ainsi que la REBT cherche un changement de système de croyances et la découverte de moyens non antisociaux d'atteindre le bonheur dans la vie et une augmentation conjointe du sentiment d'appartenance à la communauté et de l'intérêt social. Le résultat favorise l'empathie, la compassion et l'acceptation des autres, le sentiment d'appartenance à une communauté ainsi que les pensées et les comportements connexes qui contribuent positivement à l'ensemble de la société, c'est-à-dire l'intérêt social (Watts, 2015). En cela, la REBT rejoint la théorie adlérienne qui considère que la recherche de la perfection de manière horizontale joue un rôle positif tant pour le bien-être mental de l'individu que pour la santé de la société. L'acceptation inconditionnelle des autres, les croyances rationnelles, fondées sur la science et axées sur les droits de l'homme, ainsi que la voie non antisociale pour atteindre un sentiment de bonheur et de satisfaction, avec leur contribution possible à des pratiques plus démocratiques et pacifiques, peuvent logiquement être liées à ce que les adleriens identifient comme la recherche de la perfection avec un mouvement horizontal (Watts, 2015). Inversement, la REBT peut réduire la recherche de la supériorité et l'ambition verticale, ce qui peut contribuer à réduire la tyrannie et la guerre dans le monde.


L’article propose alors de développer ces approches au travers de discussions rationnelles inspirées de la REBT, sous forme de cours éducatifs accessibles à des personnes de tous horizons dans les sociétés du monde entier. Ces stratégies visent la promotion de la paix et de la démocratie pour construire un monde plus pacifique et plus juste.


Mathilde LALUBIN
Psychologie et psychothérapeute REBT